Le Centre culturel LELIKELEN (« ouvrir les yeux » en langue mapucha) : Un autre regard porté sur les jeunes.
Un centre ouvert à tous, sans discrimination aucune. Les jeunes viennent des Institutions de Cordoba, des collèges des alentours, orientés là aussi par des travailleurs sociaux, leur famille, leurs copains ; c’est notamment par le bouche à oreille, qui fonctionne très bien, que les jeunes arrivent à Lelikelen. Ils ont entre 14 et 21 ans et sont pour la majeure partie, issus de quartiers populaires, de bidonvilles et de familles très pauvres. Certains ont pu commettre des délits, d’autres sont là pour parler des problèmes qu’ils rencontrent : abus sexuels, maltraitance, violences familiales, jeunes filles enceintes et isolées… En tout, 500 adolescents sont accueillis dans ce Centre sans critères particuliers. Un entretien est mené lors de la première rencontre et la motivation à venir est identifiée avec le jeune. Au centre Leïkelen, ce qui est important, c’est de s’adapter aux besoins et attentes de chacun et non pas que le jeune s’adapte à la structure. La diversité des jeunes, filles et garçons, diversité des âges, diversité des quartiers, diversité des niveaux scolaires…doit pouvoir s’associer pour un vivre ensemble apaisé. Cette ouverture à l’autre, à sa différence est travaillée chaque jour avec les jeunes et des personnes dédiées à la bonne ambiance. Il n’y a pas de problèmes majeurs de discipline, et la bonne entente est vraiment réelle ; les jeunes nous ont paru épanouis.
Une équipe soudée et cohérente dans son approche des jeunes : La directrice insiste sur le fait qu’il faut que toute l’équipe adopte un regard positif et respectueux des jeunes et surtout que chacun des intervenants s’approprie le principe de s’ajuster aux jeunes, et de leur faire confiance et d’être proche d’eux. C’est cette cohérence qui permet à ce lieu d’accueil d’être chaleureux, contenant et convivial.L’équipe est composée d’enseignants (primaire et secondaire pour des jeunes qui n’ont pu terminer leur scolarité), d’accompagnateurs des 33 ateliers professionnels (cuisine, art, maçonnerie, pâtisserie, boulangerie, hôtellerie, coiffure…) et d’une équipe technique en travail social : psychologue, socio pédagogue, psychopédagogue,…
Nous avons rencontré des professionnels engagés et dans une relation de proximité très forte. Là encore, la Directrice et toute son équipe explique combien il est important de créer un lien d’attachement voir même d’amour avec ces jeunes, qui pour la plupart n’en ont pas eu. Un jeune homme accueilli depuis longtemps à Lelikelen témoigne devant nous de l’importance des relations tissées avec les adultes et remercie une des personnes qui travaillent au sein de la bibliothèque. Il la serre dans ses bras et leur regard est franchement émouvant.
Chaque atelier ou espace du Centre est un lieu qui va promouvoir l’expression des jeunes et développer leur estime d’eux-mêmes… D’ailleurs, nous pouvons observer sur l’ensemble des ateliers, le professionnalisme attendu, l’esthétique recherchée, la rigueur pour ne pas être des ateliers occupationnels mais bien de mise en valeur des productions des jeunes.
Cette structure est portée financièrement par trois institutions : Ministère de l’éducation, Ministère de l’emploi, le SENAF (équivalent de notre Protection de l’Enfance). Elle existe depuis 2005 et le nombre d’enfants accueillis ne cesse de croître : de 60 en 2005 à 400 en 2008 ; aujourd’hui une moyenne de 500 jeunes se forment à Lelikelen chaque année.
Une visite et la rencontre d’une équipe qui nous donne des frissons et qui, une nouvelle fois, nous permet de mieux saisir l’engagement des travailleurs sociaux et leur proximité avec les jeunes. Des échanges qui nous permettent également de mesurer la place des travailleurs sociaux comme acteurs du changement ; nous relevons en particulier l’importance du changement de regard et de représentations de ces jeunes issus des quartiers et des milieux pauvres, très exposés à la discrimination de la société Argentine, voire des Institutions comme l’école qui les exclus. L’importance de ce regard positif nous permet également de percevoir combien il est important pour ces jeunes et comment il produit aussi du changement chez les jeunes eux -mêmes : leur comportement change, ils peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes.
Dans des locaux mitoyens à Lelikelen, le Centre culturel NUESTRAS MANOS (« Nos mains ») accueille également des jeunes de 14 à 21 ans dans différents ateliers artistiques (mosaïque, céramique, menuiserie, sculpture sur bois, peinture, poterie), pour « apprendre, créer et partager ». On retrouve le même souci d’accueil inconditionnel et le travail sur l’estime de soi. Les jeunes viennent quand ils veulent et leurs productions sont valorisées (70% de la vente revient au jeune). Un autre point qui nous a marqué : la capacité de faire de l’art (au sens propre du terme) avec un vrai souci esthétique, à partir essentiellement de matériaux de récupération (symbolique forte pour ces jeunes qui viennent souvent de bidonvilles où les ordures font partie du paysage !).